Que me semble lointaine cette sensation d'ouvrir une page de blog pour y écrire un article. Encore plus lointaine celle de commencer à écrire au hasard, sans trop savoir où tout cela va me mener.
Vous n'imaginez pas, vous, lecteurs, à quel point il peut être difficile de faire partager des idées qu'il serait tellement plus confortable de garder pour soit. Ou alors c'est mon côté asocial? Peu importe, ce n'est pas parce que je suis asociale que vous n'êtes pas tous des gros cons.

Une semaine après avoir commencé cet article, je pense avoir enfin trouvé ce dont j'ai envie de vous parler : de bande-dessinée. Plus précisément, j'ai découvert récemment Marc-Antoine Matthieu, un auteur déjà connu mais qui fait pas mal parler de lui en ce moment.

En réalité, je ne l'ai pas découvert tout de suite.
Je veux dire, j'ai d'abord acheté un premier album, sans vraiment faire attention à l'auteur, en me basant uniquement sur le visuel de la couverture et l'histoire : Dieu en a marre des intermédiaires et a décidé de chausser ses santiags, de trouver un vague costume, de faire pousser sa barbe et de montrer l'exemple aux citoyens en venant se faire recenser.

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C'est d'emblée l'aspect graphique qui m'attire en BD, à proportion que je suis moi-même une dessinatrice crasse. Les perspectives à perte de vue, le souci du détail, la précision et la clarté des traits sont vraiment ce qui me fait ou non entrer dans une oeuvre dessinée. Ici les dessins sont magnifiques mais l'histoire et le découpage n'en sont pas moins originaux. Par contre, le parti pris (traiter de la réaction d'une société de consommation à l'arrivée de Dieu sur Terre) interroge sur toutes les questions restées en suspens. Pourquoi Dieu reviendrait sur Terre, quelles réponses, pour quelles questions, qu'a t-il a nous dire, ou pas, et si non pourquoi ? Ca n'est que dans un second temps que les choses s'éclairent. Dieu n'est-il pas finalement là que pour nous renvoyer notre propre image ? Il ne fait que répondre à nos questions, à nos provocations, il ne nous dit, finalement, que ce que nous voulons entendre et nous laisse aller là où nous voulons l'emmener. Le sujet, traitée sous la forme d'un feuilleton télévisé suivant la plus grande affaire judiciaire de l'histoire, nous ramène, toujours avec un humour fin et subtil, aux limites de notre humanité confrontée à un être qui lui semble supérieure en tout, voire même d'une nature différente. Tour de force également puisque, sur un sujet pareil, tout le monde en prend pour son grade (juristes, marketeurs, théologiens, philosophes,...) sans pour autant que quiconque ne se trouve choqué de la présentation faite du sujet (le visage de Dieu n'est d'ailleurs jamais explicitement dessiné, non pas en lien avec un quelconque respect de l'Islam, mais par volonté artistique de libérer l'imagination du lecteur).

Ce premier album m'a mis une baffe, mais c'est sans faire le rapport que j'ai acheté sa dernière oeuvre, qui, là encore, m'a frappée sur le plan graphique.http://soizen.cowblog.fr/images/717060.gif
Les ressemblances ne manquent pas, et l'impression d'immensité et de finesse dans le travail est, dans cet ouvrage, encore beaucoup plus impressionnant que dans le précédent. Les Sous-sols du Révolu s'attaquent bien sûr au mystère du Musée du Louvre et en proposent une présentation onirique, spirituelle et magnifique. L'oeuvre suit Le volumeur, assisté de Leonard, qui a pour mission de dresser l'inventaire de ce monument dont les sous sols interminables sont bâtis selon une forme pyramidale où la descente emmène le lecteur dans des étendues encore plus vastes que ce qu'on peut imaginer. Des plafonds interminables, des oeuvres gigantesques et des tableaux d'une précision incroyable peuplent le voyage du Volumeur qui semble ne jamais pouvoir finir sa tâche. L'humour de certaines scènes est là encore bien trouvé sans jamais devenir pesant, même si Mathieu n'hésite pas à jouer avec les lieux communs les plus répandus.
Paradoxalement, les Sous-sols du Révolu nous amènent beaucoup plus loin, dans une dimension fantastique et spirituelle là où Dieu en personne nous ramène plutôt vers nous-même après être parti du sujet le plus lointain que l'on puisse imaginer.

Ces deux albums sont en tout cas un démarrage de ma découverte de cet auteur qui à, semble t-il encore bien des albums à proposer, et notamment l'intégrale de l'histoire de Julius Corentin, à laquelle je vous invite aussi à jeter un oeil.

Liens Amazon :
Les Sous sols du Révolu
Dieu en Personne
Julius Corentin, Tomes 1 à 5